Les enfants issus d’une GPA en France ?
La Manif pour tous a repris du service le 5 octobre pour faire retirer la circulaire Taubira qui encourage la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés à l’étranger mais de parents français. Pourtant appliquée très aléatoirement, elle fait craindre à certains une légalisation future de la grossesse pour autrui (GPA). Qu’on le veuille ou non, le phénomène prend de l’ampleur sur le terrain, laissant dans le désarroi ceux que la philosophe Elisabeth Badinter et la sociologue Irène Théry appellent les petits fantômes de notre République.
Une étude européenne présentée devant le Parlement en 2013 avait estimé à 200 le nombre, en France, d’enfants issus d’une GPA. Un nombre en augmentation constante : cette même étude estimait ce chiffre à 120 en 2007, 125 en 2008, 150 en 2009 puis 170 en 2010. Selon une enquête du Journal du dimanche (JDD) parue fin août, cette pratique a explosé ces dix dernières années à l’échelle mondiale, pour de multiples raisons : les progrès de la médecine dans la fécondation in vitro (FIV), qui permettent par exemple aux couples receveurs de faire porter leur embryon par la mère porteuse, la demande croissante de couples homosexuels masculins, la diminution du nombre d’enfants à adopter dans le monde mais aussi le nombre grandissant de pays autorisant justement la GPA parce qu’ils la considèrent comme une technique comme une autre d’assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA). À titre d’exemple, le JDD indique que la moitié des bébés qui voient le jour sur le sol américain chaque année grâce à des mères porteuses, soit 850, sont accueillis par des couples étrangers.
Altruisme des mères porteuses?
Des chiffres forcément en-deçà de la réalité, la pratique étant toujours illégale en France. L’obstétricien et spécialiste de l’infertilité Israël Nisand raconte d’ailleurs au JDD avoir accouché plusieurs femmes qui s’étaient arrangées avec un couple stérile pour lui venir en aide. Plus souvent par altruisme que par vénalité, précise-t-il. Les autres passent par la case internationale. Certains états américains, en particulier la Californie, sont ainsi devenus un pays de prédilection pour qui veut faire appel à une mère porteuse, à condition toutefois d’être en capacité d’y consacrer entre 75 et 100 000 euros.
Mais avec, à la clef, un taux de succès de FIV élevé, un contrat noyauté par un avocat, une reconnaissance anticipée de l’enfant à six mois de grossesse, la délivrance d’un passeport américain pour l’enfant, etc, via une agence qui joue l’intermédiaire entre les futurs parents, la mère porteuse, les avocats et les cliniques. Il en existe une centaine de ce genre aux USA. Un praticien établi à San Diego souligne que, contrairement au cliché véhiculé par la GPA, les gestatrices sont généralement issues de la classe moyenne.
Clandestinité
Quelques années plus tôt et avant la guerre qui y sévit maintenant, le JDD rappelle que la principale destination des couples français était l’Ukraine. Cinq grandes agences s’y partageaient le marché et ne demandaient que 30 000 €. Par ailleurs, des femmes proposaient directement en ligne leurs services pour la moitié de ce tarif. L’ethnologue Delphine Lance a travaillé sur la question de la GPA en Ukraine où elle a passé plusieurs mois. Si elle était opposée à cette pratique avant son départ, notamment parce qu’elle était convaincue de découvrir de nombreux abus, elle explique au JDD avoir au contraire rencontré des mères porteuses parfaitement au clair avec leur décision. Et d’ajouter qu’il n’est pas possible de refuser cette pratique aux Ukrainiennes sous le prétexte de leur pauvreté.
Quoi qu’il en soit, les destinations low cost comportent leur lot de risques, notamment celui de ne pas pouvoir sortir son enfant du territoire. D’où l’importance, aussi, d’encadrer une pratique qui se révèle parfois être la seule solution pour un couple désireux de fonder une famille. Israël Nisand dit lui-même qu’aux yeux d’une femme désespérée parce qu’elle n’a pas d’utérus ou souffre de graves problèmes médicaux, violer la loi devient secondaire. Que l’État ferme les yeux ouvre en outre la porte à toutes les déviances plutôt que de venir en aide de façon sérieuse aux couples qui en ont besoin. À juste titre, Irène Théry signait un rapport en début d’année dans lequel elle regrettait que l’expérience des autres pays ne soit pas concrètement connue en France, ajoutant que les passions sur le sujet étaient à la hauteur du manque de connaissances…
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