Que peuvent avoir en commun Roselyne Bachelot, Elisabeth Badinter, Nagui, Jean-Paul Huchon et Christophe Michalak ? L’envie d’en découdre avec la République française. Cent soixante-dix personnalités venues de tous horizons ont signé dans le quotidien Libération, le 17 décembre, une tribune enjoignant l’État français à enfin accorder un état civil aux 2 000 enfants issus d’une gestation pour autrui (GPA) qui vivent aujourd’hui sur son sol.

Le mouvement que vient de lancer ce groupe de politiques, chercheurs, chanteurs, auteurs, comédiens, médecins, avocats ou associatifs n’a rien d’une lubie. Le 26 juin, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour avoir refusé d’inscrire dans son droit l’état civil de trois enfants pourtant légalement et valablement établi à l’étranger. Ces trois filles sont nées aux États-Unis d’une GPA. Puisque la pratique y est parfaitement autorisée, elles disposent d’un acte de naissance sur lequel figurent les noms de leurs deux parents français. Mais en refusant de les reconnaître, au motif de l’interdiction en vigueur en France, l’État porte atteinte à leur identité.

 

Bébé garçon mignon

 

2 000 petits fantômes en France

En outre, le Conseil d’État, soit la plus haute juridiction administrative française, vient tout juste de valider la circulaire Taubira, ce texte porté par la Garde des Sceaux et qui facilite l’obtention d’un certificat de nationalité par les enfants nés d’une GPA à l’étranger. Une soixantaine de députés et une demi-douzaine d’associations avaient déposé un recours pour le faire annuler, en vain : le Conseil d’État estime que le seul fait qu’un enfant soit issu d’une GPA ne justifie en rien de le priver de la nationalité française alors qu’il y a droit à partir du moment où sa filiation avec un Français est établie.

Bref, que le mode de conception d’un enfant ne pas fait pas de lui un sous-enfant. Six mois après la décision de la CEDH, ce jugement assène un nouveau coup aux opposants de la GPA. Surtout, il vient soutenir les situations inextricables dans lesquelles sont aujourd’hui coincées sur le territoire environ deux cents familles : aux démarches administratives déjà complexes, pourraient venir s’ajouter, si la France ne change pas de position, de douloureux problèmes familiaux si par exemple les parents venaient à se séparer ou s’ils décédaient.

Cent soixante-dix personnalités françaises ont donc décidé d’unir leur voix et de peser de leur image pour que la France applique sans plus tarder les décisions de la CEDH et du Conseil d’État. Certains, bien qu’opposés à la légalisation de la GPA comme Roselyne Bachelot, refusent pour autant le marchandage d’une décision de justice, encore moins celui des droits fondamentaux de tout un chacun en France.

Tous appellent le débat haineux qui sévit sur le sujet depuis deux ans à se tarir au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant. Au-delà des positions idéologiques, il en va de la responsabilité de la République. D’autant qu’appliquer ces décisions ne remet en rien en cause la capacité de l’État à continuer à interdire ou non la GPA. Les signataires rappellent d’ailleurs que l’Autriche ou la Hollande, pour ne citer que ces pays parmi ceux ayant appliqué les décisions de justice, n’ont pas constaté de vague de naissances par GPA, comme le craignent certains…

Et si la France offrait aux 2 000 enfants concernés un livret de famille pour Noël ?