Tandis que certains en débattent encore, d’autres ont franchi le pas. La gestation pour autrui (GPA) a ainsi permis à plusieurs couples homosexuels français de fonder une famille et, parce qu’ils refusent de s’en cacher, quelques-uns racontent leur parcours. Que ce soit à la télévision, dans les journaux ou sur Internet, à visage découvert ou anonymement, aucun ne regrette l’aventure. C’est ainsi le cas de Julien et Fabien, dont le témoignage paru sur Le Huffington Post ne laissera personne indifférent.

Ce couple de quarantenaires parisiens s’est lancé après six années de vie commune. Amoureux et désireux d’avoir un enfant, ils se sont rapidement rendu compte que la GPA était la seule solution qui s’offrait à eux. L’adoption n’est que très peu ouverte aux couples homosexuels, les démarches entamées pour devenir famille d’accueil ont échoué – Julien et Fabien se sont même entendus dire par les services sociaux que leur homosexualité ne ferait qu’ajouter un problème à un enfant qui en a déjà… – et la coparentalité ne correspondait pas à leur souhait.

 

femme tenant son ventre ses mains formant un cœur

 

Le choix de la GPA a donc mûri petit à petit dans leurs esprits et, après plusieurs mois de collecte d’informations et d’échange avec d’autres couples passés par là, ils optent pour les États-Unis. Julien et Fabien expliquent avoir éliminé l’Inde et la Russie des options envisageables car, bien que ces pays pratiquent eux aussi la GPA, ils ne semblaient pas être en mesure de leur offrir un cadre et une éthique ; le couple tient en effet à ce que la mère porteuse ait toute sa place dans cette démarche. Ils traverseront donc l’Atlantique en 2009.

Les agences de GPA aux États-Unis

Chicago, Madison, New-York, Boston… Julien et Fabien passent trois semaines sur le sol américain. Ils commencent bien sûr par aller à la rencontre des agences repérées avant de partir ; c’est la troisième qui fera mouche. Chaleureux, ses employés parlent un peu le Français et leur assurent n’accepter que des femmes ayant déjà eu des enfants et n’ayant pas besoin de l’argent qu’elles toucheront pour vivre, à savoir environ 15 000 dollars. L’agence dit refuser ainsi 95 % des candidatures. Un coup de cœur pour le couple qui lui présentera un dossier dans les jours qui suivent. À l’intérieur, des photos et un texte dans lequel ils doivent se raconter et expliquer pourquoi ils font appel à la GPA. De façon plus pratique, ils doivent aussi trouver la clinique qui pratiquera la fécondation in vitro et l’insémination de la mère porteuse et en fournir les coordonnées. Puis ils ne pourront qu’attendre et croiser les doigts…

Un an plus tard, l’agence les contacte enfin pour leur annoncer qu’une femme accepte de porter leur enfant. Aussi émus que joyeux, Julien et Fabien rencontreront rapidement, après quelques mails, Melissa, 35 ans et enseignante, ainsi que son mari Matt, ingénieur informatique. Deuxième coup de cœur. Ce couple uni vit confortablement à Madison avec ses trois enfants, âgés de 3, 5 et 7 ans. Et présenteront tout naturellement Julien et Fabien à leur famille, leurs amis et leurs proches… comme s’ils faisaient déjà partie des leurs.

Melissa commence alors un traitement hormonal de trois mois. En février 2011, elle sera prête pour l’insémination : Julien et Fabien reviendront aux États-Unis pour trois jours. Le temps de recueillir le sperme de Julien et de pratiquer une fécondation avec l’ovule d’une autre Américaine, une donneuse choisie sur photos et dont le couple a toutes les coordonnées. Une information indispensable à leur sens, si leur enfant venait un jour à vouloir accéder à ses origines.

Reconnaissance de la GPA en France?

Une fois l’embryon implanté, les futurs papas suivent la grossesse à distance. Les deux familles s’appelleront, s’échangeront des vidéos et des mails ; Julien et Fabien feront trois fois l’aller-retour au cours de ces neuf mois. Même Matt s’implique dans l’aventure et fabrique un casque qu’il pose sur le ventre de sa femme pour que le futur bébé puisse entendre la voix de ses papas. En novembre 2011, une petite Mathilde voit le jour à Chicago. Troisième coup de cœur ! Melissa et Matt passent le relais à Julien et Fabien mais tous les quatre présenteront ensemble Mathilde aux proches du couple américain. Une dizaine de jours plus tard, Mathilde prend l’avion avec ses deux pères. Direction la France, le pays qui la verra grandir.

Aujourd’hui, Mathilde a trois ans et ses parents attendent toujours la transcription de son acte de naissance américain dans le droit civil français. D’abord pour qu’elle soit reconnue par l’État français, aussi pour que Fabien puisse l’adopter. Parce qu’au quotidien, Fabien n’a aucun droit sur l’enfant qu’il élève pourtant chaque jour. Même aller la chercher à l’école repose sur le bon vouloir de la directrice. S’ils savaient qu’ils auraient ce combat administratif à mener en rentrant, Julien et Fabien ne le comprennent pas et refusent de se sentir hors-la-loi. En attendant, Mathilde grandit sous leur regard aimant et dans la plus belle des transparences. Le prénom de Melissa figure ainsi sur son acte de naissance, comme celui d’une bonne fée, selon l’expression de Julien.