Non, les donneurs de sperme ne craignent pas d’être identifiés

Il est communément admis de penser que lever l’anonymat du mère porteuse– aujourd’hui imposé en France – effraierait tellement les donneurs potentiels que ces derniers ne prendraient plus le chemin des Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme (Cecos). Si tous les pays ont logiquement commencé par redouter une chute des dons, les statistiques les ont rapidement rassurés : ceux qui ont franchi le pas* enregistrent en réalité une augmentation du nombre de leurs donneurs !

Le Royaume-Uni est un exemple frappant, parfaitement documenté qui plus est. La Human Fertilisation and Embryology Authority, l’équivalent britannique de l’Agence de la biomédecine, renseigne ainsi chaque année sur son site web le nombre de nouveaux donneurs de gamètes (spermatozoïdes et ovocytes). Au début des années 90, elle comptait environ 400 dons par an. À partir de la fin des années 90, ce chiffre n’a fait que diminuer pour tomber à 239 en 2004. En 2005, la loi qui permettait aux personnes nées de dons d’accéder à leurs origines est entrée en vigueur. Les donneurs ont été au nombre de 272 cette année-là. Puis ce chiffre n’a cessé d’augmenter pour atteindre 480 en 2010 ! Sachant que le nombre de donneurs annuels idéal est estimé à 500 par la British Fertility Society…

 

Jeune homme montrant son sourire

 

Non anonymat des donneurs de sperme

Un autre phénomène est apparu avec la levée de l’anonymat dans les pays voisins : une transformation du profil des donneurs de sperme. Le jeune étudiant a laissé la place au père de famille. Le responsable d’une clinique de fertilité suédoise expliquait récemment que les donneurs étaient plus âgés depuis le changement législatif. Le responsable d’une banque de sperme suisse confirme et évoque davantage d’hommes matures, de classe socio-économique élevée et par ailleurs déjà donneurs de sang ou de moelle. La motivation est ainsi devenue mûrement réfléchie et totalement altruiste. Aucun de ces pays n’évoque en outre de difficultés à trouver des donneurs.

Selon les auteurs du rapport sur la filiation remis en début d’année au gouvernement, le changement de profil des donneurs en dit long sur la signification culturelle du don. Les pays qui prévoient désormais que les enfants concernés pourront éventuellement connaître à leur majorité l’identité de leur donneur ont ainsi basculé d’une organisation dans l’ombre à une société pleinement décidée à assumer le don comme une façon honorable de concevoir des enfants. Pour autant, cette évolution reste complexe : avec la levée de l’anonymat et la responsabilisation qui en découle, les donneurs de sperme exercent davantage leur droit à limiter le nombre des bénéficiaires. Certains pays observent davantage de donneurs mais moins de paillettes de sperme par donneur.

En France, l’idée d’abroger l’anonymat total du donneur de sperme est plusieurs fois revenue sur la table législative. Mais rien ne change, des enjeux symboliques faisant obstinément barrage. Si la crainte d’une chute des dons était réelle, pourquoi des campagnes d’appels au don ne sont pas organisées ? Sachant que l’Agence française de la biomédecine recensait 400 donneurs de sperme en 2009 dans un pays de 66 millions d’habitants, une campagne bien menée comme c’est le cas chez certains de nos voisins produirait des résultats immédiats. Et, qui sait, apaiserait le débat français.

* Ils sont nombreux : la Suède en 1985, l’Autriche en 1992, l’Australie en 1995, puis l’Islande en 1996 (qui a toutefois adopté un système de double guichet, en autorisant à la fois les dons anonymes et les dons nominatifs), la Suisse depuis 2001, la Norvège en 2003, les Pays Bas et la Nouvelle Zélande depuis 2004, le Royaume-Uni en 2005 (avec la possibilité, pour les dons antérieurs, de lever le secret de l’identité), la Finlande en 2006 et la Belgique en 2007 (double guichet).

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